Des liens européens à la lumière de l'archéologie

Country
France
Organization name
Communauté d'Agglomération Lunel Agglo - Musée d'Ambrussum
Storyteller
Simon
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Overview

Cette histoire prend son origine dans les temps anciens de l’Antiquité, avant même l’Empire romain.

Il s’agit de l’histoire d’objets utilisés, admirés, portés par des hommes et des femmes qui ont vécu il y a plus de 2 200 ans. Ils constituent un témoignage des usages et coutumes du passé, d’un mode de vie ancien, mais aussi et surtout des témoins des échanges culturels à travers l’Europe.

Nul besoin de se rendre sur les sites archéologiques extrêmement connus et réputés. Regarder le patrimoine archéologique local, de petites installations humaines, permet de se rendre compte de la récurrence et de la richesse importante des échanges entre communautés, dans des âges parfois très reculés : des échanges d’objets, mais aussi de techniques, de savoir-faire, de goûts esthétiques.

Lla voir pavée romaine d'Ambrussume site archéologique d’Ambrussum, situé sur la commune de Villetelle, dans l’Hérault (France), est un site archéologique fouillé régulièrement depuis les années 1960. Il est composé d’un oppidum gaulois (village fortifié) occupé depuis le IVe siècle avant notre ère, qui sera largement transformé sous l’influence romaine deux siècles plus tard.

Encore en cours de fouille, les missions archéologiques menées entre 2016 et 2024 ont mis au jour un patrimoine archéologique exceptionnel permettant de reconstituer l’histoire régionale et même européenne, et de prendre conscience des liens qui existaient déjà entre les populations.

 

Depuis 2011, le musée de site propose aux visiteurs une riche programmation culturelle au travers d’expositions, d’événements, d’ateliers ludiques et pédagogiques, et de visites adaptées, tout au long de l’année. L’équipe du musée œuvre à la valorisation des vestiges mis au jour, des objets découverts et à leur appropriation du patrimoine commun pour le plus grand nombre (public local, touristique, scolaire, personnes en situation de handicap…).

Pont romain, fragment de la Via Domitia à Ambrussum

Notre quotidien et le monde tel que nous le percevons aujourd’hui nous mènent à considérer les temps passés au regard de nos habitudes et de nos technologies. L’aisance de la communication et de la circulation d’aujourd’hui nous pousse à imaginer des échanges moindres, voire leur absence, dans les temps anciens où l’on ne pouvait faire que 25 km par jour en moyenne lorsqu’on se déplaçait en chariot ou à dos d’âne.

Il n’est pas rare d’entendre quelques lieux communs sur la méconnaissance de nos ancêtres européens du monde, voire de leurs propres territoires. Après tout, il est encore largement de coutume de représenter les tribus gauloises comme des peuples enfermés dans leurs villages circulaires fortifiés de troncs d’arbres dressés !

Pourtant, l’archéologie montre tout autre chose. 

Prenons l’exemple d’une simple agglomération antique. Nous ne parlons pas d’une capitale comme Roma (Rome), Lugdunum (Lyon) ou Italica (Séville), mais d’un village, couvrant à peine 5 hectares, perché sur une colline dans le sud de ce qu’on appellera plus tard la France.

Vue aerienne de l'oppidum d'Ambrussum et son rempartSituée en hauteur et en bordure d’un fleuve, le Vidourle, l’agglomération antique d’Ambrussum s’est développée principalement à partir du IVe siècle avant notre ère. Une ville occupée par la tribu celte des Volques Arécomiques.

Cette région sera, deux siècles plus tard, l’objet d’une conquête par la République romaine, qui avait pour ambition l’extension de son territoire. Il en découlera la « romanisation », ce phénomène bien connu d’acculturation des peuples gaulois au mode de vie romain et de diffusion de la culture romaine à travers un vaste empire.

Mais, comme le montre l’archéologie, il n’a pas fallu attendre une conquête militaire et une quasi-unité politique pour que les échanges culturels se développent entre populations européennes.

Une découverte réalisée en 2021 constitue l’un des trésors de la collection archéologique d’Ambrussum. Il s’agit d’une perle tubulaire en pâte de verre de couleur bleue, jaune et Perle anthropomorphe découverte à Ambrusumblanche. Perle anthropomorphe découverte à AmbrusumCette perle anthropomorphe présente quatre visages plutôt burlesques portant une coiffe et une barbe.
Ce surprenant objet a été produit à l’extrême est de l’Europe. De rares découvertes similaires ont été réalisées en Roumanie ainsi qu’en Hongrie notamment, et les archéologues localisent les ateliers de production de ce type de parure sur les bords de la mer Noire.
Résumons : il y a plus de 2250 ans, une perle a voyagé, 2800 km, sûrement par voie terrestre et maritime, depuis des populations celtes de l’est de l’Europe jusqu’aux Gaulois d’Ambrussum, qui ont pu apprécier la maîtrise et le savoir-faire de leurs lointains cousins verriers.

Et ce n’est pas tout !

La production de ces perles est déjà le fruit d’un échange entre des civilisations européennes et méditerranéennes. En effet, la fabrication de perles anthropomorphes en verre est pratiquée initialement par les Phéniciens, les Carthaginois et les Grecs, avec des esthétiques légèrement différentes. Les contacts entre ces civilisations et les Celtes de l’Europe de l’Est ont mené à la production de perles telles que celle découverte à Ambrussum.

Autre fait archéologique témoignant d’influences et d’échanges européens : la localité d’Ambrussum battait monnaie avant la domination romaine. À cette époque, les frappes de monnaies locales prenaient la forme de pièces de petite taille sur lesquelles le nom de la ville était indiqué au droit, et un symbole guerrier, religieux ou un animal totémique figurait au revers.
Pour la monnaie d’Ambrussum, les Gaulois, faute de tradition écrite, ont fait un emprunt culturel de taille : celui de l’alphabet grec pour écrire sur leur monnaie les lettres AMBP, indiquant le nom de la localité. Le revers est aussi un emprunt à la culture grecque : Athéna, la déesse guerrière de la sagesse, portant un casque et une longue chevelure.Monnaie gauloise gravée AMBP

Cette monnaie montre qu’une agglomération gauloise, éloignée de la mer, éloignée des comptoirs grecs, comme Marseille, a reçu une large influence extrarégionale dans son commerce, son développement et l’affirmation de son identité et de son indépendance.

Plus tard, après la conquête romaine, ces échanges entre les communautés européennes vont se poursuivre et même se développer encore. À partir de la fin du IIe siècle, Ambrussum devient un carrefour de deux voies de communication et de circulation importantes : dans un axe nord-sud, on navigue avec des barques à fond plat sur le Vidourle, qui permet de lier la mer Méditerranée à l’intérieur des terres. Et dans l’axe est-ouest, Ambrussum est positionné sur le tracé de la Via Domitia, permettant de joindre Rome à Cadix, au sud de l’Espagne.

De là, les échanges commerciaux, culturels et linguistiques se développent considérablement entre les territoires, menant l’agglomération d’Ambrussum à se transformer elle aussi.

Restitution 3D d'une des maisons romaines d'AmbrussumOn retrouve à Ambrussum des maisons au plan typiquement romain, organisées autour d’une cour intérieure, pourvue d’un impluvium pour récupérer les eaux de pluie. Une organisation spatiale et des techniques de construction similaires à des découvertes que l’on peut faire en Espagne, en Allemagne, en Italie, en Croatie et dans bien d’autres lieux encore.

Cependant, au-delà des vestiges immobiliers, l’archéologie nous montre la persistance du passé gaulois à travers l’usage de certains objets comme des céramiques non tournées dédiées à la cuisine : après tout, comme le dit l’adage, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures ! On constate aussi la persistance de certains rituels de protection du foyer, formalisés par le dépôt d’objets particuliers dans les sous-sols des demeures, qui avaient cours au IVe siècle chez les Gaulois et que l’on retrouve encore dans les maisons romaines.
Ces faits archéologiques nous font toucher du doigt les échanges culturels précoces entre les peuples européens, il y a plusieurs milliers d’années, qui ont pu transformer la vie des habitants de certains lieux. Ces derniers se sont approprié et ont adapté de nouveaux modes de vie, tout en conservant une identité forte, des particularités autochtones, propres à leur peuple.

Les technologies, les outils, les objets d’art, les idées ont circulé, ont été échangés. Les sites patrimoniaux et les musées européens forment les témoignages de tous ces échanges qui ont eu lieu au fil du temps, faisant du patrimoine un socle commun.

 

European Dimension

Situé sur des voies de grand parcours dès l’Antiquité : sur la mythique voie Héracléenne parcourant l’Europe d’est en ouest d’abord, puis sur le tracé de la Via Domitia, première route romaine construite en Gaule, l’une des voies importantes du réseau routier romain. Le site archéologique et son musée sont aujourd’hui à proximité immédiate de l’autoroute A9 (400 m), un axe fort du commerce et du tourisme où se croisent et se côtoient toutes les nationalités européennes.

Ce carrefour de voies de circulation a fait d’Ambrussum, au fil de l’histoire, un lieu de rencontres et d’échanges culturels. Si la dimension commerciale était très forte dans les temps passés, aujourd’hui c’est vers le partage des connaissances et l’appropriation du patrimoine commun par les populations que sont tournées toutes les activités proposées par le musée.

La gratuité de la visite libre, pour tous, est l’un des fers de lance de l’accessibilité au plus grand nombre, et la mise en place de visites et d’ateliers à destination des publics spécifiques, éloignés de la culture, des scolaires (3 500 reçus en activité par an) ou des personnes en situation de handicap (550 personnes par an en moyenne), est au cœur des actions menées au quotidien.