LA SEIGNEURIE DE HIERGES, ENTRE GUERRES ET PAIX. Doische et Foisches, deux villages au destin jumelé.

Country
Belgium - Wallonia
Organization name
Office du Tourisme de Doische asbl
Storyteller
BOSSART
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Overview

Nous sommes à la fin du XVIème siècle. Dans la pointe située entre Fumay (FR) et Philippeville (BE), un territoire chevauche les deux rives de la Meuse : celui de la Seigneurie de Hierges. Il relève du Prince-Evêque de Liège et regroupe neuf villages, dont ceux de Doische et Foisches. 

Au-delà d'une frontière

Deux kilomètres à peine les séparent. Ils partagent les mêmes joies, mais aussi les mêmes dures réalités de l’époque. En effet, ce territoire fut un lieu incessant de combats entre français et espagnols. Tant Doische que Foisches connurent des hordes de soldats qui, ne recevant que rarement leur solde, venaient détrousser les habitants. Ces tristes événements n’ont fait que renforcer les liens entre les deux villages.

Mais … le 24 mai 1772, le Traité des Limites est signé. Il impose une scission du territoire seigneurial. Foisches se retrouve côté français ; Doische reste sous l’emprise de la Principauté de Liège. Ce n’est toutefois pas une frontière qui va arrêter les liens entre les deux villages. 

Deux siècles plus tard, en 1962, l’Abbé Martin SANDRON arrive à Doische. Originalité : il officie également à Foisches. Il est l’initiateur d’une fête de la moisson réunissant Doischiens et Boucards (on ne dit pas : Foischiens). Elle a célébré son soixantième anniversaire en 2024.

Un héritage commun 

La volonté de poursuivre l’histoire est bien ancrée. Ainsi, en octobre 2023, une association transfrontalière a vu le jour : Retour à l’Ancienne Seigneurie de Hierges. L’idée première est partie de Foisches, immédiatement relayée par Doische. 

Son objectif : faire revivre le Pays de Hierges via son histoire, son patrimoine et sa culture. Dix-huit mois après sa création, divers projets se concrétisent progressivement. Car il s’agit d’un héritage commun aux deux côtés de la frontière, et d’un lien entre les générations.

Aux confins des territoires français et belge actuels, dans la pointe située entre Fumay (FR) et Philippeville (BE) se trouvait autrefois la  Seigneurie de Hierges. Elle relevait du Prince-Evêque de Liège (BE) et son siège principal était le château de Hierges (FR). Celui-ci, bien qu’en ruines, domine toujours la vallée. Originellement s’y trouvait un castrum dont les origines remonteraient au IXe siècle. Il portait également le nom de Château de Jérusalem. Il fut reconstruit en 1560.

La Seigneurie de Hierges regroupait neufs villages situés de part et d’autre de l’actuelle frontière franco-belge. Parmi eux, deux résonnent en chœur : Doische et Foisches. Séparés de deux kilomètres et d’une frontière, ils ont en commun leurs champs, leurs bois et surtout leurs habitants qui se côtoient quasi journellement et partagent les mêmes joies, mais aussi les mêmes dures réalités de l’époque. 

En effet, ce territoire fut un lieu incessant de troubles, de combats, de guerres entre soldats français et espagnols, notamment au XVIème siècle.  C’est à ce moment que le célèbre Fort de Charlemont – sur Givet de nos jours - a été érigé pour résister aux attaques ennemies. En avant-poste, le génie de Vauban a imaginé le Fort Condé, taillé dans un éperon rocheux et donnant sur la vaste plaine de Foisches. La position est idéale pour repérer de loin les troupes ennemies.

Pendant ce temps, le village de Doische organise sa « maigre » défense. Sur les hauteurs d’un petit éperon, autour de l’église-fortifiée, le mur d’enceinte du cimetière est rehaussé en 1597. Les habitants se réfugient dans la vieille tour de l’église lors des passages de troupes. Tant Doische que Foisches connurent des hordes de soldats qui, ne recevant que rarement leur solde, pillaient, saccageaient et détroussaient les habitants de leurs biens, bestiaux et vivres. Ces tristes événements renforcèrent alors les liens de solidarité entre les deux villages.

Le 24 mai 1772, le Traité des Limites est signé entre le Roi de France et le Prince-Evêque de Liège. Si la paix revient, le traité impose une scission du territoire seigneurial de Hierges. D’un côté, Aubrives, Foisches, Ham-sur-Meuse et Hierges deviennent territoire français. De l’autre, Doische, Gimnée, Niverlée, Olloy-sur-Viroin et Vaucelles restent sous l’emprise de la Principauté de Liège. La paix des peuples est à ce prix. La frontière est matérialisée par des bornes, toujours en place aujourd’hui. Est-ce pour autant la fin de l’entente entre Doische et Foisches ? Absolument pas ! En bon sens fermier, les habitants conservent leurs valeurs d’antan ; ce n’est pas une frontière qui les arrêtera, pardi !

Deux siècles plus tard, en 1962, l'abbé Martin Sandron officie en même temps à Doische et Foisches. Inimaginable à l'époque ! Le lien entre les deux villages se renforce à nouveau. Discret et charismatique, l’abbé Sandron porte son attention aux jeunes afin qu’ils  sortent de l’ennui, se rencontrent et développent des activités communes, comme la Fête de la Moisson réunissant Doischiens et Boucards (on ne dit pas : Foischiens). Sa mémoire plane toujours de nos jours sur les deux villages. La rue principale de Doische porte son nom. Quant à la Fête de la Moisson, son soixantième anniversaire a été fêté en 2024. 

L’amitié entre Doischiens et Boucards est toujours d’actualité. Ainsi, lors des cérémonies, Belges et Français s’invitent mutuellement aux sons de leurs hymnes nationaux. Leur bon sens et leur esprit convivial communs restent bien présents. 

Le patrimoine culturel de cette contrée y est riche. L'église romane du Tienne de Doische, sur une butte, est démolie en 1859. Un frêne est alors planté à l'emplacement de son chœur. Ce site médiéval est réaménagé en 2023 en associant un nouvel espace cinéraire aux anciennes pierres cimétériales, et une  esplanade permet d’en faire un lieu de vie respectueux des traditions. Comme pour transmettre un message : la vie et la mort se complètent parfaitement.

Quant au village de Foisches, la ferme dite des Templiers est une ancienne maison forte appartenant originellement à la famille des Templiers (sans aucun rapport avec l'Ordre des Templiers). C'est à l'issue de combats entre troupes françaises et espagnoles en 1558 que le capitaine de Hierges la fit construire. Elle est aujourd'hui une exploitation agricole. En face, l’église Saint-Martin  est reconstruite en 1671 par Louis Wauthier, commis et receveur du château de Charlemont, et inaugurée par le représentant du Prince-Evêque de Liège, Monseigneur Blavier. La chapelle Notre-Dame de Lorette est adossée à l'église. Un appel aux dons a été lancé via la Fondation du Patrimoine pour leur restauration.

La volonté de continuer une histoire commune est bien ancrée entre les neufs villages de l’ancienne seigneurie de Hierges. Ainsi, une association transfrontalière est née en octobre 2023 : Retour à l’Ancienne Seigneurie de Hierges dont l’objectif est de valoriser l’histoire et le patrimoine culturel communs. Si l’idée première émane de Foisches, Doische embraye immédiatement. Richard Debowski, Président de l’association, exprime le sentiment commun lors du discours inaugural :  "Nous ne vivons pas seulement à notre époque, nous portons toute notre histoire avec nous".

Aujourd’hui, dix-huit mois après, les projets de l’association sont en cours : un ouvrage historique, des circuits touristiques basés sur le patrimoine transfrontalier, une valorisation des pratiques artisanales ancestrales. Une marche amicale et gourmande reliant Doische à Foisches sera également  organisée le dimanche 17 août 2025 et valorisera le patrimoine historique et gastronomique commun.

Le travail reste de taille, mais il en vaut la chandelle ; même si, en milieu très rural, l’enthousiasme vis-à-vis du patrimoine n’est pas spontanément de mise. L’accent est dès lors porté sur les jeunes des classes primaires belges et françaises. Les unes inviteront les autres, et vice-versa. Ensemble et avec l’aide de forces vives locales et régionales, elles adopteront véritablement un monument, afin d’en comprendre l’histoire, leur histoire. Car le patrimoine, ce ne sont pas seulement de vieilles pierres figées dans le temps. Il s’agit de l’histoire d’un peuple, d’un héritage commun aux deux côtés de la frontière, d’un lien entre les générations.

European Dimension

Cet appel à récit s’inscrit dans le cadre d’une association transfrontalière créée en octobre 2023 : Retour à l’Ancienne Seigneurie de Hierges. Elle vise à valoriser le patrimoine commun des deux côtés de la frontière franco-belge, et ainsi à mieux comprendre l’histoire du Pays de Hierges.

Le passé fut particulièrement tumultueux, notamment aux XVème et XVIème siècles. Les souverains utilisaient leur pouvoir de soit-disant protecteurs pour étendre leurs territoires, au détriment des droits élémentaires de leurs soit-disant protégés. Les inévitables conflits qui en découlaient entraînaient un bafouement total des droits des villageois, ceux-ci étant pillés et victimes de bien d’autres atrocités. Les habitants de Doische (aujourd’hui en Belgique) et de Foisches (aujourd’hui en France) en ont d’ailleurs payé le prix fort.

Le Traité des Frontières de 1772 a réparti les neuf villages entre la France et la Principauté de Liège. C’est à ce prix que la paix a pu être ramenée, et les droits fondamentaux des villageois progressivement rétablis. Parmi eux, la liberté de circuler, le respect de la propriété individuelle, et des valeurs de diversité et d’égalité partagées des deux côtés de la frontière.

Aujourd’hui, c’est la démocratie qui prime, avec l’exemple clairement donné par nos Elus. Ainsi, le Bourgmestre de Doische et le Maire de Foisches travaillent ensemble, dans un respect mutuel, comme si la frontière n’existait pas. Avec les forces vives présentes, ils tiennent à consolider un territoire franco-belge dont les valeurs, l’histoire et le patrimoine restent communs. Le Maire de Foisches, d’ailleurs Président de l’association Retour à l’Ancienne Seigneurie de Hierges, a clairement transmis le signal : « Nous ne vivons pas seulement à notre époque, nous portons toute notre histoire avec nous. »

L’histoire de la Seigneurie de Hierges, tout comme celle de Doische et Foisches, c’est aussi l’histoire de l’Europe. De célèbres familles en ont d’ailleurs été les acteurs et les témoins : les d’Arenberg, les d’Enghien, les de Berlaymont, … Dans un passé pas si lointain, les frontières étaient figées entre les pays. Aujourd’hui, elles ne représentent plus que des barrières administratives, qui tentent elles aussi de s’estomper.

À celles et ceux qui tentent encore, ça et là, des positions extrêmes semant la discorde, nous leur répondons par l’exemple de Doische=Foisches, il n’est pas que symbolique : 

Nos valeurs sont profondément européennes, bien au-delà des frontières. Elles visent la démocratie ainsi que l’égalité et le respect des peuples, de tous les peuples. Et nous vous invitons à faire comme nous : transmettez aux jeunes générations la connaissance de notre patrimoine commun, reflet de notre histoire commune. De nombreuses vies ont été sacrifiées pour que vive l’Europe. Ne l’oublions jamais et partageons notre amitié et nos valeurs bien au-delà des frontières.