Une voix de la montagne pour la montagne

Country
Italy
Storyteller
Silvia
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Overview

Chercheurs issus de différentes disciplines et de différents pays d'Europe, grâce à des méthodologies et des thèmes de recherche partagés, se réunissent pour documenter et sauvegarder le patrimoine européen commun inspirés par les mots d'un ancien d'un village de montagne.

 

 

Une voix de la montagne pour la montagne

Ce matin-là aussi, il partit tôt. Le brouillard et la pluie ralentissaient son ascension vers la montagne. Sur le siège à côté de lui, à l'intérieur du sac noir, se trouvait sa caméra vidéo semi-professionnelle, achetée pour donner corps à ses études d'anthropologie, un indispensable de ses visites en montagne.

Ce matin-là, il avait rendez-vous avec Antonio Moretti, un ancien d’un petit village du massif du Gran Sasso. Il le connaissait depuis longtemps et avait établi un lien profond avec lui. Aveugle, Antonio se déplaçait néanmoins en toute sécurité dans son espace quotidien à l’intérieur et à l’extérieur de la maison. Il semblait connaître la montagne parfaitement et se souvenir  par cœur de ses lieux, ses particularités, sa géographie émotionnelle, son travail silencieux, patient, dur et presque invisible.

Après avoir arrangé les auvents de tomates de son jardin avec un savoir-faire artisanal en dépit de sa cécité, Antonio était maintenant assis près de l’âtre de son humble demeure. Le jeune anthropologue lui demanda comment il voyait l’avenir de la montagne. Et il répondit : « Dites aux gouvernants que la montagne doit être peuplée, que les maisons et les souvenirs ne doivent pas être inhabités, dites aux souverains de ramener les gens dans les montagnes. Toutes les montagnes d’Europe doivent s’unir et faire entendre leur voix, puisqu’elles parlent la même langue, car quand il n’y aura plus personne dans les montagnes, la montagne sera morte ».

Le jeune chercheur, en redescendant des hauteurs vers la ville, se mit à imaginer un réseau réunissant les montagnes d’Europe en une voix commune, qui divulgue leur patrimoine, leurs savoirs, leurs gestes, leur histoire, leur vie. Il profita des contacts internationaux que l’Europe lui avait offerts lors de ses études universitaires et réunit de jeunes chercheurs touchés par les propos d’Antonio et ainsi animés d’un enthousiasme qui aurait franchi les frontières et les cols, poussé par le vent fort de la Tramontane.

En 2011, au terme d’une série d’enquêtes de terrain menées dans le village montagnard de Fano Adriano (TE, Italie) [Habille-toi d’or, d’argent et d’étoiles] par l’Association pour la recherche démo-ethno-anthropologique Bambun (TE, Italie) sur des thèmes anthropologiques, et par l'Association des langues européennes et méditerranéennes LEM-Italia (TE, Italie) portant sur la micro-toponymie, il y eût une rencontre dans un autre village de montagne, Penna Sant’Andrea (TE, Italie) dans lequel Gianfranco Spitilli, Silvia Pallini et Giovanni Agresti rencontrèrent un autre chercheur venu de France, Fabrice Bernissan, linguiste, qui avait été invité par Giovanni Agresti à participer au Congrès international appelé Journées des Droits Linguistiques (Université de Teramo) quelque temps auparavant.

Ce fut une rencontre entre chercheurs issus de divers domaines d’études, anthropologues, linguistes, sociolinguistes, qui menaient depuis des années des enquêtes et des recherches sur les expressions musicales, sur l’étude des cultes, sur les collections ethnographiques et les langues des montagnes italiennes et françaises. Mais un facteur en particulier anima le réseau Tramontana qui allait ainsi se dessiner : Fabrice Bernissan avait déjà une expérience dans le cadre des projets de coopération internationale au sein du Programme Culture 2007-2013. Un élément qui encouragea l’idée de sortir d’une dimension locale pour présenter les identités de la montagne à un public international et avec des outils partagés.

 

Lors de cette rencontre, les connaissances et le réseau de contacts que chacun avait et qui pouvaient être synergiques pour la présentation d’un axe de recherche commun furent rassemblés. Gianfranco Spitilli connaissait déjà Luís Gomes da Costa (Binaural Nodar, Portugal) qui travaillait à un niveau anthropologique et artistique dans l’enregistrement de paysages sonores, et Marco Magistrali, qui, avec Filippo Marranci, travaillait sur des recherches ethnomusicologiques et de danse en Toscane avec l’association La Leggera, tandis que Fabrice Bernissan contacta Jean-Paul Ferré (Eth Ostau Comengés, France) pour lui proposer d’intégrer le réseau. Le groupe s’agrandit avec la participation d’Eth Ostau de Comengès et de Numériculture Gascogne (Gascogne, France) et plus tard avec Audiolab (Pais Vasco, Espagne).

Pour la première fois, la montagne européenne était étudiée et présentée comme un espace unique identifié par les territoires de langue romane avec le premier projet “Réseau Tramontana” financé par le Programme Culture 2007-2013.

Dès cette première rencontre internationale, le réseau s’est étendu à 7 associations de 5 pays européens avec les projets “Réseau Tramontana II” et “Réseau Tramontana III” (Europe Créative 2014-2020), intégrant la Pologne grâce à la participation de la Fondation Akademia Profil (qui avait déjà suivi le travail du projet “Réseau Tramontana II” en tant qu’observatrice), étendant ainsi le réseau aux pays de langue non romance.

Au fil des années nombreuses ont été les activités qui ont présenté au public les résultats   des enquêtes menées lors de trois projets Tramontana (2012-2020) dans les différents territoires européens impliqués. Il s’agit également de nombreuses initiatives réalisées à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine.

Voici donc l’invitation d’Antonio qui prend forme et crée un réseau capable de mettre en valeur le potentiel des montagnes d’Europe, riches de patrimoines culturels matériels et immatériels, liés entre eux par des éléments communs qui soulignent le partage d’une histoire et d’un vaste patrimoine européen bien reconnaissable. Après avoir reçu les Prix Europa Nostra pour le patrimoine culturel en 2020 et le Grand Prix, le réseau Tramontana continue de se fixer des objectifs ambitieux, tournés vers 2022, déclarée par l’ONU l’Année du développement durable des montagnes [https://www.onuitalia.com/2021/12/22/montagne-2/] comme pour accomplir le souhait exprimé par Antonio et par sa voix, de la montagne pour les montagnes : « Toutes les montagnes d’Europe doivent s’unir et faire entendre leur voix, puisqu’elles parlent la même langue, car quand il n’y aura plus personne sur les montagnes, la montagne sera morte ».

Le réseau Tramontana, soucieux de continuer à faire vivre les expressions patrimoniales de la montagne, poursuit son travail de documentation de la mémoire orale dans les petites communautés avec lesquelles il continue d’être en relation. Le travail réalisé et les résultats obtenus jusqu’à présent par le réseau Tramontana ne peuvent pas être dissociés de sa responsabilité de doter le projet des ressources nécessaires à rendre soutenables et à pérenniser les matériels et les témoignages collectés, sans mentionner les plusieurs rencontres, enquêtes, enregistrements, films, réunions publiques, rapprochement avec les mairies, parcs nationaux, régionaux, ministères, etc.. Evidemment le contexte du réseau est plurilingue, mais les langues officielles de communication interne au réseau sont davantage le français et l'anglais. Pourtant, tous les projets du Réseau Tramontana ont été respectueux de la diversité linguistique. Tous les produits textuels et audiovisuels du projet donnent la plus grande visibilité aux langues autoctones, régionales ou minoritaires des territoires et des communautés impliqués par Tramontana. L’expérience, la méthodologie consolidée et l’harmonie des membres du réseau continuent d’être le moteur de nouvelles idées de projet visant à faire resonner la voix des montagnes afin qu’elles continuent d’être l’un des témoins et des miroirs de l’identité et de l’unité de l’Europe issues de sa plus profonde et riche diversité.

Toutes les associations du Réseau Tramontana (projets 2012-2014 ; 2014-2016; 2018-2020)

Akademia Profil (Pologne, dans le Réseau depuis 2018)

Audiolab (Espagne, dans le Réseau depuis 2016)

Bambun (Italie, dans le Réseau depuis 2012)

Eth Ostau Comengès (France, dans le Réseau depuis 2012)

La Leggera (Italie, dans le Réseau de 2012 à 2014)

LEM-Italia (Italie, dans le Réseau depuis 2012)

Nosauts de Bigòrra (France, dans le Réseau depuis 2012)

Numériculture Guascogne (France, dans le Réseau de 2012 à 2016)

Par Silvia Pallini et Renata De Rugeriis

European Dimension

Le réseau Tramontana, soucieux de continuer à faire vivre les expressions patrimoniales de la montagne, poursuit son travail de documentation de la mémoire orale dans les petites communautés avec lesquelles il continue d’être en relation. Le travail réalisé et les résultats obtenus jusqu’à présent par le réseau Tramontana ne peuvent pas être dissociés de sa responsabilité de doter le projet des ressources nécessaires à rendre soutenables et à pérenniser les matériels et les témoignages collectés. L’expérience, la méthodologie consolidée et l’harmonie des membres du réseau continuent d’être le moteur de nouvelles idées de projet visant à faire resonner la voix des montagnes afin qu’elles continuent d’être l’un des témoins et des miroirs de l’identité et de l’unité de l’Europe issues de sa plus profonde et riche diversité.

Dans le cadre du réseau Tramontana actuellement nous comptons des associations d'autres pays de l'Europe orientale et des Balkans (Roumanie, Bosnie-Herzégovine, Albanie, Montenegro) en tant qu'observatrices de nos activités et qui ont manifesté leur intérêt à rejoindre officiellement notre réseau. Cela conduirait à un élargissement du réseau vers une idée ou une image d'un patrimoine européen encore plus diversifié et plus vaste, non seulement représentatif de l'Europe occidentale. Évidemment le contexte du réseau est plurilingue, mais les langues officielles de communication interne au réseau sont davantage le français et l'anglais. Par contre, tous les projets du Réseau Tramontana ont été respectueux de la diversité linguistique. Tous les produits textuels et audiovisuels du projet donnent la plus grande visibilité aux langues autochtones, régionales ou minoritaires des territoires et des communautés impliqués par Tramontana. Chercheurs de différentes disciplines et de différents pays d'Europe, grâce à des méthodologies et des thèmes de recherche partagés, se réunissent pour documenter et sauvegarder le patrimoine européen commun. En fin, le réseau Tramontana a mené plus de 1 200 enquêtes de terrain dans les domaines de la linguistique, de l'anthropologie, des paysages sonores et de l'ethnomusicologie, entre autres. Des matériaux photographiques, écrits et audiovisuels ont été collectés. Une base de données contenant une partie de ces documents est à présent disponible sur un portail Internet dédié et revêt une importance considérable pour l'étude et la promotion de la culture de ces régions. Outre les activités de recherche, des séminaires, des activités éducatives, des expositions multimédias et des projections ont également été organisés en collaboration avec de nombreuses institutions, universités, écoles, fondations, bibliothèques et musées. Les résultats de la recherche ont également été utilisés dans la création d'un programme éducatif coopératif.

Toutes les associations du Réseau Tramontana (projets 2012-2014 ; 2014-2016; 2018-2020)

Akademia Profil (Pologne, dans le Réseau depuis 2018)

Audiolab (Espagne, dans le Réseau depuis 2016)

Bambun (Italie, dans le Réseau depuis 2012)

Eth Ostau Comengès (France, dans le Réseau depuis 2012)

La Leggera (Italie, dans le Réseau de 2012 à 2014)

LEM-Italia (Italie, dans le Réseau depuis 2012)

Nosauts de Bigòrra (France, dans le Réseau depuis 2012)

Numériculture Guascogne (France, dans le Réseau de 2012 à 2016)